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jeudi 18 juin 2020

LE MUR

Faut dire aussi que je fais pas grand-chose pour me sortir de ce merdier, je ne fais pas grand-chose pour moi-même autant dire, je ne m’aide pas (d’où le silence et l’inaction du ciel sans doute…), ah ouais qu’il dit, ça c’est balancé ! et il est content ? J’accuse le temps (sa fuite pour être plus précis), j’accuse l’argent (son manque pour être plus précis), mais je dilapide l’un comme l’autre comme qui rigole, comme un qui aurait pas peur de crever quand tous les comptes seront à sec, à part mes yeux pour pleurer, le mur approche à la vitesse grand V, ma vie est un bolide furieux lancé à pleine bourre et piloté par mon inconscience, le mur qui arrive là devant ma gueule je le vois bien, mais rien n’y fait, rien ne change, je ne change rien, pas une thune qui rentre depuis des années et ce qui me reste sort aussi vite que le temps inexorable qui file sans que rien ne change, il a l’air encore loin le mur, je fonce comme si je n’allais jamais l’atteindre, ou dans tellement longtemps, pas de quoi m’inquiéter pour cette babiole tout au loin, il a même l’air en carton-pâte vu d’ici, oh j’ai encore largement le temps de ralentir, d’éviter l’écrabouillement magistral, ô grands dieux pourquoi je ferais ça, c’est que je suis encore « jeune », cinquante-cinq balais et quelques mois, bon allez cinquante-six dans deux mois on va pas chipoter, plutôt en bonne santé (choppé le SARS-CoV-2 au mois de mars, mais le bon Dieu m’en a libéré et me voilà maintenant immunisé paraît-il ! Et mon confinement fut des plus heureux !), disons pas encore grabataire, alors je fais le mariole à pleine vitesse, je nargue le mur qui approche, mais non ô petit connard, il est pas loin, il est pas loin du tout le mur, à cette vitesse c’est du tout cuit, il est là next door, la prochaine porte de sortie, de sortie de cette vie de merde (ouf ! me diras-tu, il était temps !), une porte blindée bien close moi j’appelle ça un foutu mur, croire qu’il est encore très loin, croire même qu’il est « inatteignable », c’est un effet de ton optique déficiente, disons plutôt de ta connerie galopante (plus euphémiquement appelée « inconscience » ci-dessus), et dis-toi bien qu’un mur qui approche à la vitesse où tu fonces vers lui, eh ben je vais te dire une bonne chose mon con, il sera toujours plus fort que toi, le mur il en a rien à carrer d’être écrabouillé, d’ailleurs il n’a aucune chance de l’être, un peu solide il sera à peine égratigné, le mur ne « pense » pas, le mur n’a pas d’états d’âme, le mur n’a pas de problèmes de chômage, de fric, de temps qui passe, de santé gâtée, le mur est à sa place, on l’a mis là pour qu’il soit là, on l’a mis là pour une raison X ou Y peu importe, c’est un mur et rien d’autre, il ne bougera pas, mais toi… J’aimerais pas voir ce que ça donnera quand la « rencontre » aura lieu… Le mur est ce qu’on se prend dans la gueule quand on fonce à travers le temps comme un dératé sans rien en faire, quand on pense qu’il est encore temps, que l’avenir nous appartient, qu’il est (et sera toujours) une entité vierge et prometteuse et bienveillante et maternelle, qu’il n’y a qu’à attendre, comme le lait qui coule gratos du sein dans le gosier du nourrisson, qu’un miracle va se produire, que « Dieu va faire » comme disent les inconscients et les flemmards, gens de foi tout à fait respectables certes, mais qui ont oublié qu’il faut s’aider soi-même pour que le ciel nous aide, le ciel est une espérance, pas un self-service… 
Oh ma foi, je fais des choses pourtant, j’appelle toute sorte de gens, même de très anciennes connaissances qui ne comprennent pas ce que je leur veux, les temps sont durs pour tout le monde ma bonne dame, ça fait un bon paquet de temps que j’essaie de me relancer, je fais peut-être pas tout à fait ce qu’il faudrait, mais j’ai essayé, j’essaie encore… Et pourtant… Rien, rien, rien. Mon Dieu d’amour, seul et unique Créateur du monde, de tous les mondes et des non-mondes, délivre-moi, par pitié !

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